Pourquoi le portrait ?

  Historiquement, le portrait pose la question de l'identification :identifier, reconnaitre -classement social qui occupe la première production de portraits avec la peinture- mais également s'identifier, se connaître : la ressemblance est conquise.

 Avec le portrait photographique, le XIXe siècle ouvre l'âge démocratique de la représentation de soi. "Daguerréotype : remplacera la peinture".  ironisait Flaubert.  L’invention de la photographie n’a pas entraîné la disparition de l’art du portrait peint, genre pictural qui s’exténuait. Mais pour être un art à part entière, il faut au portrait, faire la preuve de sa capacité transformatrice et ne pas se maintenir dans la stricte observance du réel, dans le mimétisme. Cet art s’est cherché dans des solutions plastiques.

 Que regarder dans le portrait ? Le portrait fait varier les points de vue : qui est celui dont on tire le portrait ? (le modèle). Puis, celui du peintre : qu'ajoute-t-il au réel qui signe sa manière ? Enfin, le point de vue du spectateur : tout visage ne prend vie que dans la perception d'un tiers , faute de cet autre, il demeure inexistant. Le portrait-miroir constitue la référence, se superpose exactement au visage et vérifie l'identité, la coïncidence d'un sentiment de soi et d'une image physique. Le sujet doit y négocier entre les différentes couches de sa personnalité et tenter de concilier son moi idéal, son moi social et son moi réel. L'artiste semble recueillir la vérité du sujet et être en mesure de lui offrir un accès authentique à lui même.

  C'est dans cette démarche que j'ai recours recours au hors-cadre - qu'il s'agisse du cadre étroit : le visage lui-même (nez, bouche, yeux), ou du cadre élargi : le visage contour (la tête), combinant le jeu de contraste sur les deux zones de couleur, de lumière.

  D'où lui vient ce goût du portrait ? Il faudrait plus de quelques lignes pour le dire. Platon, dans l'Alcibiade, donne peut-être une clef : "Tu as remarqué, bien sûr, que le visage de celui qui regarde l'œil de quelqu'un apparaît, comme dans un miroir, dans l'œil qui se trouve en face, dans la partie que nous appelons la pupille : c'est l'image, l'eidôlon de celui qui regarde." Comment mieux dire que le portrait est en nous, qu'il habite au plus profond de nos visages, et que c'est cette intimité qui nous le rend si précieux ?

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